Un mot parmi tant d'autres {* pv Alice

Passe ta souris sur les icons

_« Le cinéma, c'est l'écriture moderne dont l'encre est la lumière. »_

Il fut un temps où j’aurais détesté poser un pied dans un amphithéâtre. C’était toujours bondé, bourré de monde. Le pire, c’était pour les conférences-débats. Il y avait à la fois du monde, mais quand le débat commençait, il y avait aussi l’animosité générale qui soulevait les rangs des étudiants, celui des professeurs et celui des intervenants. Chacun tentait de défendre leurs points de vue et parfois, ça dégénérait à cause de quelques élèves qui ouvraient bien grand leur bouche et brailler à qui mieux mieux. Quand il y en avait, de ces conférences, j’essayais de ne pas y participer. Je n’avais pas envie d’en ressortir avec un coquard sur l’œil.
Lorsque j’y posais les pieds, pour la première fois de la semaine, il n’y avait personne. J’étais toute seule et tant mieux. J’avais envie de m’entrainer, encore et encore, à une danse que je ne maitrisais pas trop. Je ne voulais pas que quelqu’un me regarde et se moque de moi au premier faux-pas effectué. Ça arrivait si souvent !... Et puis souvent, la musique sur laquelle on pouvait danser était d’une nullité au niveau des paroles et les gens rigolaient de nouveau. De toute façon, j’avais décidé de les ignorer et de vivre la danse comme eux vivaient leur plus grande passion.
La musique... Qu'est-ce que la musique en fin de compte ? C'était juste des notes mises bout à bout pour former une cacophonie mélodieuse. Parfois, à cette mélodie s'ajoutait des paroles, qui la rendait encore plus belle. J'avais envie de dire que tout dans la vie était musique, mais parfois, ce n'était pas mélodieux du tout. Comme lorsqu'un cœur se déchire ou qu'une personne part voir au dessus des nuages... Tout cela assombrissait cette musique de la vie, la rendait plus cadencée, plus grave, plus sombre. Tout n'était que musique...
Je m'avançais dans le couloir de l'amphi qui me menait vers les coulisses. Je regardais le sol en me répétant les pas que j'avais en tête. Deux pas de bourrée, des déboulés et un saut de biche. Voilà ce que je devais faire. Ou n'était-ce pas déboulé, déboulé, saut de biche et déboulé ? N'y avait-il pas un piqué dans l'histoire ? Rah, je ne savais plus. La musique m'aidera sûrement à combler ce trou de mémoire. Peut-être qu'il y avait une galipette aussi ? C'est la tête bourrée d'incertitudes que j'entrais dans les coulisses. Je posais mes affaires sur une table, face à un miroir et je me regardais dedans.
Des cernes se dessinaient sous mes yeux, témoignant de mes nuits agitées. Mes cheveux mal coiffés témoignaient, quant à eux, d'un manque de soins. On pouvait croire que j'étais un zombie. Alors, de mon sac, je sortis mes vêtements de sport. Une brassière blanche et un short noir. Et aussi une paire de collants blancs, eux aussi. Je les vêtis sans tarder. Puis, soudain, je fus prise d'une envie d'aller me vider la vessie. Je partis vers les toilettes en traînant des pieds. Pourtant, j'entendis un bruit, un peu plus loin que les toilettes. Un bruit bizarre. Je me dirigeais vers la source de ce bruit, remettant à plus tard mon envie de me vider.

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Un mot parmi tant d'autres {* pv Alice Kaya13

Putain de bordel de merde, sa mère la pute, quelle garce ! Je ferme les yeux un instant et hurle intérieurement. J'en ai marre, marre, marre, marre de cette prof de merde ! Mme Crovalsky me regarde d'un air outré lorsque je me lève d'un bond de mon siège. Il n'est pas question que je reste ici une minute de plus. N'ayant ramené aucune affaire, je commence à sortir.
"Mais enfin mademoiselle, où croyez vous all... ?" commence la vieille truie d'une voix chevrotante.
Je claque la porte d'un geste brusque et le bruit étouffe les mots de la professeur. Balançant rageusement la mèche qui à l'instant me tombe devant les yeux, je commence à dévaler l'escalier en courant. Je me sens oppressée, il faut absolument que je sorte. L'air frais me souffle sur le visage dès que j'ouvre la porte menant à la sortie du bâtiment. Ouf. J'ai une terrible envie de clope, là tout de suite. Je commence à sortir mon paquet. Damned. Il me reste même pas une cigarette. J'avais toujours détesté Crovalsky, mais les commentaires désobligeants, les engueulades, les "regardez comment sa copie est nulle", ça c'était rien. Oser parler de ma mère ça par contre non. Personne n'avait le droit de me mentionner son existence. Elle n'existait pas, je n'avais simplement pas de mère, point. Le vent me fait manger mes cheveux dans la gueule. Je serre les dents. Affublée d'un simple débardeur, j'ai froid. Il me faut de l'alcool et vite. Ou alors un endroit chaud. Je m'avance au pif dans l'école, sans trop faire attention où je vais. Mes pieds m'emmènent dans le bâtiments des arts, à l'intérieur, il fait bon. Le manque se fait un peu plus ressentir. Je mâchouille un petit bout de mes cheveux. Le couloir est vide. Accrochés sur les murs sont les affiches des divers spectacles et représentations qu'a présenté l'école. "Beaucoup de Bruits pour Rien", de William Shakespeare, présenté par l'atelier théâtre, "Giselle Moderne", par le Club de Danse, "Concert Rock, inspiration 80s", et autres. Il y a des gens passionnés, c'est bien pour eux. Mes yeux se posent sur un portrait d'une femme drapée, magnifique. "Antigone" de Sophocles. Belle et condamnée, je soupire. Il y a des filles comme ça, qui n'ont pas beaucoup de chance. D'un côté si c'était son "destin" de mourir ainsi, emmurée...
J'arrive devant une porte à double battants portant l'insigne "Amphithéâtre". Bah, ça me coûte rien d'entrer. J'entrouvre un des battants, et me glisse à l'intérieur. Il n'y a que deux filles qui répètent leur texte de théâtre. Il me semblait bien qu'il y avait une représentation de "Don Quichotte" le lendemain. Cette école est dingue des vieilles pièces, du moins le metteur en scène, lui, en est fan. Il a la réputation d'être très stricte et d'éjecter le moindre élève qui oublie un mot de son texte, de son petit atelier privé. D'où le stress apparent de ces filles. Pauvres meufs. Pauvre atelier, plutôt. Je m'avance vers les scènes et les fixent du regard. J'ai que ça à foutre. Elles ne me remarquent pas au début, mais plus je m'approche plus elles semblent distinguer ma présence. L'une d'elle, blonde, me lance un "Euh... tu fais quoi ici ?". Je me retiens de lui répondre "Et ta mère ?", et finit plutôt par dire "Je suis élève du club de danse, vous avez le droit d'être ici ?". Les deux gamines se regardent horrifiés. "Euhh... tu le diras à personne hein ?" demande l'autre, aux yeux bleus. Je souris d'un air innocent. "Bien sûr que non." Elles commencent à prendre leurs affaires et se dépêchent de déguerpir. "Bah salut" murmure la blonde en passant. Je les regarde s'éloigner d'un air blasé. Pauvre meufs.
Il n'y a plus personne dans la gigantesque salle. Je monte sur la scène et me balade dessus. J'avoue que c'est la première fois que je viens ici. J'ai toujours préférer sécher les discours du proviseur pour aller me fumer un joint, et j'en ai rien à faire des spectacles alors bon... Mais finalement... c'est pas si mal. Je regarde le public. Énorme, il y a au moins deux mille sièges. Ca doit être flippant d'être là devant un aussi grand public. J'ai envie de me fumer un truc. Je vide mes poches. Que dalle, seulement mon zippo adoré. Il est orné d'un dragon sublime entourant deux caractères chinois. "Ding Li", multitude. Je l'ai négocié d'un marchand ambulant. J'allume machinalement le briquet, une flamme en sort. Elle est belle. Je referme le couvercle d'un doigt, je le rallume. Je me fais chier. Je regarde à gauche, puis à droite. Les coulisses. Intéressant. Je choisis de bifurquer à droite. Un couloir sinueux s'ouvre à moi. Je marche sans penser à rien. Je dépasse les chiottes, et vois une pièce insolite. enfin, "pièce" est un grand mot. J'hésite entre placard à balais, et un deux mètre carré. Parce que c'est plus grand que la première option quand même. Je rentre dedans et découvre... un amas de cartons. Je fouille vite fait dedans, des livres, des fringues, des costumes, des masques, des ballerines, des bouteilles d'alcool, des clopes et au putain. J'observe l'absolut qui se trouve dans ma main gauche et le paquet de malboro dans l'autre. Neuf le paquet je tiens à préciser. Ah voilà où se trouve le trésor. Je crois halluciné, les petits cachottiers ! Ca doit sûrement être pour les petites fêtes clandestines "fun" dans les coulisses... Je vois, je vois. Bon bah, autant me servir hein, ce sera le prix de mon silence. J'ai toujours été une fille sympa.
Je me pose tranquille par terre et ouvre la bouteille. C'est presque triste sans musique, ça me rappelle à quel point je suis alone. C'est là que je vois une vieille radio. Un petite sourire se dessine sur mes lèvres. Décidément, il y a tout ici. J'appuie sur le bouton "play", et une douce musique d'Edith Piaf commence à jouer. Je bois tranquillement tout en fumant. Le bonheur, c'est se contenter des petits plaisirs.

Plus je m'enfonçais dans le couloir, plus le bruit s'intensifia. Puis, au bout d'un moment, plus rien. Ah, la personne avait dû m'entendre. Et meeeerdddddde ! Il faut dire aussi que je suis d'une telle discrétion ! Après tout, peut-être que j'ai été super discrète, hein ! Et si ça se trouve, c'est l'autre personne qui avait une ouïe super fine. Je ne pouvais pas savoir. La meilleure solution, c'était d'aller vérifier. Mais... Et si je prenais une baffe retentissante suivie d'un vent monumental ? Non, ça ne pouvait pas m'arriver, ça n'était pas possible. Enfin si mais non.
J'arrivais devant une porte, sur la pointe des pieds. Je collais mon oreille contre elle et j'écoutais. Je n'entendis que des bruits, mais ils étaient étouffés. Je me décollais et posais la main sur la poignée. Mon cœur battait à tout rompre. J'étais sûre qu'il y avait un pervers psychopathe et pédophile qui se cachai derrière. Dans ce cas là, je lui sortirais ma méthode spéciale de neutralisation, c'est-à-dire un coup de talon dans le menton, suivi d'un super coup de pied dans la joue. Ensuite, je lui planterais mon coude dans l'estomac et enfin je lui écraserais les bijoux de famille. Avec un peu de chance, je le castrerais. Comme ça, j'épargnerais des dizaines et des dizaines d'enfants et d'adolescents d'être violer par ce psychopathe. Puis, prise d'une impulsion soudaine, j'ouvris la porte, tout doucement, comme ça, s'il y a bien le psychopathe pédophile derrière, je pourrais toujours m'enfuir au plus vite, en ayant pris soin de lui claquer la porte au visage.
Mais, à la place du psychopathe pédophile, je vis une autre fille qui avait presque l'air aux anges. Un paquet de cigarettes dans une main, une bouteille d'alcool dans l'autre. Et tous les cartons avaient été ouverts. J'ouvris des yeux, un peu surprise de ne pas trouver celui que j'espérais fuir. La fille ne semblait pas remarquer ma présence. J'hésitais entre refermer la porte tout doucement et repartir comme j'étais venue, comme ça, ni vue ni connue, et j'hésitais avec me faire remarquer afin qu'elle ne me saute pas dessus pour m'égorger. Mes deux idées étaient quand même très tentantes. Mais, je ne voulais pas partir sans m'être présentée. Je trouvais que c'était pas très poli. Pourtant, tout mon esprit me poussait à partir, mais mon corps refusait de bouger. Je regardais l'autre fille. Puis, après quelques raclements de gorge, je réussis à dire :

« Euh.. Désolée je croyais qu'il y avait un, euh... Psychopathe, pédophile et pervers, et, euh... Enfin j'ai eu peur qu'il sorte et... Enfin bref, je vais sortir et, euh, te laisser boire et fumer en paix, hein ! Ah, en fait, je m'appelle Heather. Heather McBerry. »

Je lui esquissais un sourire un peu timide et commençais déjà à faire quelques pas en arrière. Peut-être qu'elle voudrait se présenter ou peut-être avait-elle simplement envie de passer ses nerfs. C'était à voir. Enfin, toujours est-il que j'étais totalement incapable de partir.

Avec une lente précision, je prélevai une cigarette du paquet et le portai doucement à mes lèvres. Après l'avoir allumé, j'en extirpai une bonne bouffée. Une fumée épaisse sortit de ma bouche. Je souriais, heureuse de vivre. Parce que c'était ça la vie. Je soulevai la bouteille pour boire une bonne gorgée. L'alcool brûla ma gorge, mais très vite je sentis son effet dans mes veines. La musique jouait doucement, c'était juste parfait. Je repensais à ma journée, à mon frère qui m'avait envoyé une lettre. C'était son genre de faire un truc aussi vieillot. Mais ça m'avait rendu toute gaie. Il allait bien, les études étaient difficiles mais ils s'en sortaient. Son avenir semblait heureux. Lui et sa petite amie depuis cinq ans. Emmy Beckett. Une jolie rousse aux yeux de biches. J'en étais presque jalouse. Il vivait bien, il vivrait bien et puis... il y avait moi, la dépravée. J'étais le mouton noir, pauvre petite sotte. Oui, j'aurais du étudier plus, faire quelque chose de ma vie. Être gentille, moins froide, moins sèche. Plus ouverte et moins blasée de la vie. Mais je n'y pouvais rien, j'étais la poupée cassée irréparable. Alors je me soûlais, me droguais, fumais comme il n'était pas permis. Je vivais dangereusement, oscillant entre la stupidité et la folie. La musique m'englobait totalement. J'étais bien.
Je ne vis pas le porte grincer, ni la belle brune qui apparut derrière l'air plus effrayée qu'autre chose. Ce n'est que quand de sa bouche sortit :
« Euh.. Désolée je croyais qu'il y avait un, euh... Psychopathe, pédophile et pervers, et, euh... Enfin j'ai eu peur qu'il sorte et... Enfin bref, je vais sortir et, euh, te laisser boire et fumer en paix, hein ! Ah, en fait, je m'appelle Heather. Heather McBerry. »
que j'ouvrai les yeux. J'étais totalement pétée, je ris. Je rigolais tellement à n'en plus finir, c'était pire que tout. Mes abdos me faisaient mal, je me tapais la cuisse.
« Psycopathe ? Mais j'en suis un ! Je suis totalement barrée ! »
Et j'en ris encore plus fort, c'était tout simplement ridicule. D'un geste je l'invitai à me rejoindre, me rendant bien compte qu'elle pouvait à tout moment raconter ce que j'avais entre les mains et me faire expulser. Mais je m'en foutais, et mon rire de conne résonna.
« Alice Jefferson, enchanté. » lui dis-je en tendant le main.